La sauce de poisson façon Kampot à la reconquête du marché cambodgien

sauce de poisson

Difficile d’imaginer, en visitant l’usine Treuy Koh de Kampot, que quelque 100 000 litres de saumure de poisson en sortent chaque mois, écoulés sur les marchés de Phnom Penh et des principales villes du Cambodge. La production reste en effet très artisanale : poissons et sel (de Kampot) macèrent tranquillement au fond de grands fûts, dans un hangar de tôles naturellement chauffé par le soleil. Au terme d’un an de fermentation, le jus brunâtre est récolté, stocké dans des bidons puis mis en bouteilles. Le tout sans mécanisation, par la seule intervention de la fermentation naturelle et des quarante employés qui travaillent dans cet atelier. Les bouteilles elles-mêmes sont étiquetées par des petites mains qui remplissent un à un les cartons aux couleurs des différentes marques sous lesquelles la société vend ses produits.

Une recette très simple, mais qui marche, même s’il a fallu du temps avant que la saumure de poisson Made in Kampot, autrefois très réputée, séduise à nouveau les palais cambodgiens. « Les Cambodgiens avaient perdu le goût de ce produit, particulièrement durant le régime de Pol Pot », raconte Chan Sitha, qui s’est lancé dans cette activité en 1992, avec trois employés, fort d’un savoir-faire familial acquis durant la période du Sangkum Reastr Niyum (1955-1970). « J’ai voulu faire redécouvrir petit à petit cette saveur à la population. Et aujourd’hui, j’essaie de faire en sorte que mes produits soient célèbres dans tout le pays, mais aussi dans la région », explique-t-il, pour justifier le nouvel investissement de 100 000 dollars qu’il vient de faire pour agrandir son usine.

Un produit de nouveau attractif

« La demande de sauce de Kampot connaît une forte augmentation et nous ne parvenons plus à la satisfaire. Il est donc devenu indispensable de nous étendre pour y répondre. Mais nous devons faire cela étape par étape, sans faire de grand bond », détaille l’entrepreneur avisé, secondé dans ces opérations par sa fille. Comme pour la saumure de poisson, le développement de cette petite société a en effet nécessité un long processus de maturation. En 1993, l’atelier ne produisait que 1 000 litres par mois. De quoi alimenter les foyers de Kampot. D’année en année, les capacités de production ont été adaptées à une demande croissante. Jusqu’à la prochaine amélioration à venir : quelque 400 mètres carrés supplémentaires ajoutés aux locaux existants.

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A l’issue des travaux, qui ont débuté doucement et devraient s’achever après le deuxième semestre 2009, le patron espère pouvoir produire deux fois plus de saumure, soit 200 000 litres par mois. Entre-temps, la production devrait augmenter peu à peu de 50 à 70 % par rapport aux quantités actuelles. Une progression qui s’accompagnera de créations d’emplois : à terme, Chan Sitha envisage de doubler la main d’œuvre, en passant d’une quarantaine à quatre-vingt employés, tous postes confondus.

Kampot, une image de marque

L’objectif de cet investissement est avant tout de reconquérir un marché local, face à la forte concurrence des produits des pays voisins, en misant principalement sur la notoriété de la sauce de Kampot, élaborée avec une espèce locale de poissons marins et du sel récolté dans les marais salants des environs. L’argument va également être mis en avant pour l’export, annonce Chan Sitha. Parallèlement à la modernisation de l’usine et à l’amélioration des méthodes de production, tant sur le plan de la productivité que des conditions sanitaires, prévues en même temps que les travaux d’extension, la société va dépoussiérer son image et travailler sur le « packaging » en distribuant ses produits sous différentes marques. Les étiquettes actuelles, mêlant jaune soleil, bleu ciel et rose bonbon, mentionnent déjà clairement l’origine du produit, en plusieurs langues, dans la perspective d’exportations.

Un premier test auprès de la diaspora

Comme pour le reste, M. Sitha avance prudemment en ce qui concerne les exportations. « Nous vendons déjà ponctuellement à des Khmers des Etats-Unis de passage. Nombre d’entre eux veulent retrouver les saveurs d’antan et rapportent des bouteilles chez eux. Mais cela ne représente pas encore de grandes quantités », explique l’homme d’affaire. Pour tester le marché et surtout les barrières sanitaires américaines, M. Sitha a fait expédier plusieurs centaines de cartons aux Etats-Unis : un premier envoi concluant puisque, à la surprise même de l’entrepreneur cambodgien, la saumure Made in Kampot a été accepté par les services de contrôle étasuniens. Avant de se lancer dans une exportation à plus grande échelle, la société va toutefois consolider la qualité de ses produits, pour qu’elle soit constante et réponde sans faillir aux standards des marchés étrangers. Un travail que M. Sitha a déjà engagé avec le ministère de l’Economie et des finances, mais qui, une fois de plus, requiert de la patience.

« Etre très patient, travailler très dur, se concentrer sur ce qu’on fait et toujours essayer et essayer encore » : voilà la recette du succès, selon ce patron qui partage son expérience avec les autres entrepreneurs, en tant que président de l’Association des petites entreprises de Kampot. « Il faut apprendre à être flexible et à s’adapter aux circonstances, à faire la part des choses entre ce qui est chaud et froid, lâche-t-il, énigmatique. Ce n’est pas évident de faire des affaires ici. Certaines banques ont pour slogan : ‘Faciliter la vie’, mais quand on va les voir, on se rend compte que ce n’est vraiment pas facile… », ironise-t-il, avant d’appeler à plus de considération pour les petits entrepreneurs.

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A propos de l'auteur

J'ai toujours été passionnée par les voyages depuis ma plus tendre enfance.
Tout naturellement, je souhaite partager ici mes expériences, aventures et périples autour du monde.

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